Arnaud Assoumani – “Gagner l’or aux Jeux Paralympiques”

Arnaud Assoumani va participer à ses 5e Jeux Paralympiques à Tokyo. Avec pour ambition l’or, 13 ans après son sacre déjà en terre Asiatique, aux JO de Pékin
Arnaud Assoumani 8e de la longueur aux Jeux Paralympiques
Arnaud Assoumani 8e de la longueur aux Jeux Paralympiques

Arnaud Assoumani va participer à ses 5e Jeux Paralympiques à Tokyo. Avec pour ambition l’or, treize ans après son sacre déjà en terre Asiatique, aux Jeux de Pékin. A chaque paralympiade, il a réussi à décrocher au minimum une médaille, en remportant deux à Londres en 2012 (argent en longueur et triple saut). En parallèle, il avait mis en place un concours pour dessiner sa prothèse, qui s’est terminé le 31 juillet. Mais la cagnotte, elle, est encore ouverte et ce, jusqu’au mois de Novembre. Elle a pour but d’offrir 5 prothèses myoélectriques à des enfants. Pour plus de détails, rendez-vous ICI. 9 neuf après la réussite du Golden Arm Trophy 2012, il a donc relancé cette initiative.

(Interview de Arnaud Assoumani réalisée avant les épreuves d’athlétisme aux Jeux Olympiques)

ARNAUD ASSOUMANI – GOLDEN ARM TROPHY, UN PROJET QUI A POUR BUT D’OUVRIR SUR LE HANDICAP ET LA DIFFÉRENCE EN GÉNÉRAL

« J’ai lancé pour la 2e fois ce projet qui a été pensé et créé pour éveiller les consciences en sensibilisant par la culture, le sport, la solidarité et l’engagement. Ce concours portait cette année sur le thème de la nature, thématique qui fait écho également à mes engagements pour la protection de l’environnement. En 2012, Golden Arm avait été un réel succès et permis de changer le regard sur le handicap grâce à la prothèse qui devient un outil de dialogue et créativité. Cela casse les stéréotypes et les idées reçues sur des généralisations et c’est une réelle ouverture sur le handicap et sur la différence en général. Dans la vie quotidienne, par exemple, je peux croiser des personnes, quand je vais faire les courses, qui vont presque avoir pitié, qui vont se dire “Le pauvre”.

Même si j’en ai souffert et que j’ai vécu le harcèlement, je ne me considère pas malheureux ; pleins de personnes souffrent autour de nous. Et le but de cette opération est de parler à plus de monde possible, et que ce concours serve avant tout à sensibiliser le plus grand nombre. Cette année encore, ce concours a attiré différentes personnes dont des plus jeunes et le vainqueur, Raphaël Stioui, a notamment 13 ans. Je suis super fier, avec l’équipe qui a travaillé avec moi sur ce projet, d’avoir attiré autant des novices en dessin que des professionnels en graphisme ou street-art et de tout âge. Je souhaite aussi, à travers la réussite de ce concours et la fenêtre médiatique que m’offre les Jeux, aider des enfants dont les familles n’ont pas forcément de moyens.

C’est pour cela qu’en parallèle, une cagnotte est mise en place pour offrir des prothèses myoélectriques, imprimées en 3D. Ce sont des prothèses fonctionnelles, avec lesquelles on peut bouger les doigts et le poignet. Je veux que cela soit offert à des enfants qui sont nés avec une malformation congénitale comme moi, ou amputés. Comme dit précédemment, j’ai été victime de harcèlement à l’école ; alors aujourd’hui je veux qu’ils deviennent en quelque sorte des ambassadeurs eux aussi de la différence au sein de leur école en attirant positivement l’ensemble des enfants .»

ARNAUD ASSOUMANI – UNE BELLE ÉVOLUTION SUR LES PROTHÈSES

« La technologie est dingue désormais, notamment avec les prothèses myoélectriques imprimées en 3D sur lesquelles de nombreuses entreprises françaises travaillent et font avancer les choses. Ces prothèses sont aussi beaucoup plus accessibles et moins onéreuses que la prothèse que je porte par exemple actuellement qui a nécessité des années de recherche et de développement. Et qui dit années de recherche dit aussi coûts importants et il n’y a malheureusement pas assez de personnes qui peuvent bénéficier de cela. Donc avec l’évolution de la technologie et le travail effectué sur l’impression 3D par des start-up, le coût devient moins important et je souhaite qu’on utilise cette technologie ; de plus, le design et la personnalisation des prothèses sont super importants pour permettre d’exprimer sa personnalité et de se créer son identité.

Je travaille régulièrement avec des professionnels et des designers car il est primordial pour moi de participer à l’évolution socio-culturelle et technologique de ces prothèses. Par exemple, j’ai la chance de collaborer avec Dimitry Hlinka, désigner et lauréat du prix Liliane Bettencourt pour l’Intelligence de la Main – Dialogues en 2020 : il a travaillé sur la prothèse de course en impression 3D et donnera vie à la création du dessin du vainqueur du concours. C’est vraiment un honneur qu’un grand designer comme lui mette à disposition sa création de design dans ce concours afin que le grand public puisse apposer leur graphisme sur ce design. En parallèle, nous avons un autre projet artistique Bras d’Art, Bras d’Or sur lequel il travaille et crée la prothèse esthétique.  »

ARNAUD ASSOUMANI – JE PRÉFÈRE 1000 FOIS QU’ON VIENNE ME PARLER DE MA PROTHÈSE, QUE DE ME REGARDER COMME UNE BÊTE DE FOIRE

« Ma prothèse est depuis plusieurs années une force. Il s’agit d’un objet cool et positif et qui ne doit pas faire peur. La personnalisation de la prothèse par son design et son graphisme me parait important puisque, comme dit précédemment, cela peut être une expression de sa personnalité ou un outil pour la forger. Je pense que cela peut participer à tout ce cheminement et sensibiliser les enfants. La prothèse devient un outil qui ouvre le dialogue : ces tabous hérités de la société et du monde des adultes peuvent être déconstruits grâce aux questions qu’on me pose. Je préfère 1000 fois qu’on vienne me parler de ma prothèse, plutôt que de me regarder comme une bête de foire Je me dis que c’est d’autant plus fort si ce sont les enfants eux-mêmes qui deviennent vecteur de changement. Je sensibilise beaucoup sur le harcèlement scolaire, dont j’ai également été victime comme 20% d’enfants aujourd’hui. Avec les réseaux sociaux, c’est aussi une problématique centrale et tout le monde est concerné. »

LE SPORT M’A PERMIS DE M’AFFIRMER

« Le sport m’a permis de m’affirmer ; je viens d’une famille sportive : ma mère a fait du volley et mon père a fait du basket, les deux pendant 30 ans. Mes parents m’ont inculqué les valeurs du sport et l’équilibre études / sport / corps / esprit. Ils m’ont toujours enseigné les vertus de la pratique sportive et de la compétition, pour gérer la pression face à l’adversité, mais aussi le stress. Ce que l’on retrouve aussi dans la société. Le sport permet aussi de partager la même passion et se retrouver entre amis. Et les compétitions de s’affirmer, de se dépasser et de se prouver des choses à soi-même. Dans la vie de tous les jours, j’ai déjà entendu des personnes, qu’elles soient de mon entourage ou inconnues, me dire “tu n’y arriveras pas” ; j’ai toujours voulu leur prouver qu’ils avaient tort. Par contre, dans le sport et dans l’athlétisme, à l’inverse, je n’ai pas été confronté à cela. »

ARNAUD ASSOUMANI – JE SUIS CONCENTRÉ POUR ÊTRE LE MEILLEUR A TOKYO

« Aux Jeux Paralympiques de Tokyo, mon objectif est de gagner la médaille d’or. Comme à chaque paralympiade, je me prépare pour être le meilleur le jour J. Ces deux dernières années ont été les plus compliquées de ma carrière pour revenir à mon meilleur niveau car j’ai subi la plus grave blessure de ma vie il y un an, en pleine préparation des Jeux. J’ai eu une rupture complète du semi-tendineux (ischio-jambiers), sur ma jambe d’impulsion. Cela a donc été difficile de me qualifier pour les Jeux par rapport aux critères de sélections et au délai, d’autant que j’ai eu encore un pépin en avril. J’ai fait uniquement deux compétitions, je n’ai pas pu en faire plus. Les championnats de France sont arrivés un peu tôt en juin, mais je n’avais pas le choix.

J’ai resauté la semaine d’après et je fais 7,07m, 2e meilleure performance mondiale de l’année. Le CPSF, en accord avec la Fédération française handisport ont alors fait une demande de Wild Card (invitation) pour que je puisse participer aux Jeux paralympiques. Je sais ce que 7,07 m en début de saison peut donner deux mois et demi plus tard  et je suis désormais concentré sur les Jeux. Je me sens très bien et je suis en meilleure disposition qu’en 2012 et 2016. Et je serai à un tout autre niveau également lors de ma finale à Tokyo qu’il y a deux mois. Je sors d’un cycle où j’ai beaucoup bossé et tout est là et je sais que chaque jour compte. Il faut faire attention à chaque détail d’ici l’échéance. »

L’EXEMPLE DE MARKUS REHM SOUVENT CITE DANS LES MEDIAS

Ce que je pense de Markus Rehm (NDLR : Le sauteur en longueur allemand, qui saute sur une lame carbone et qui a réalisé 8,62 m) ? Je pense que c’est un athlète incroyable. Le problème, c’est que les journalistes et donc le grand public le comparent à des athlètes dit valides ou avec d’autres catégories de handicap en paralympique. Or, des athlètes qui sautent sur leur lame comme Markus Rehm pratiquent un sport différent parce qu’il y a une composante mécanique apportée par les prothèses propulsives qu’on appelle les lames.

Donc, les médias me demandent souvent mon avis mais je ne sais pas comment mesurer la performance. Je sais juste que concernant Markus, il est incroyable car il a plus d’un mètre d’avance sur ses adversaires. Après, quelle est la limite et est-ce qu’on souhaite que ces athlètes sautent à plus de 9 m ? Cela est complètement possible car la technologie avance mais quel est le message et est-ce que cela ne tirerait pas la couverture médiatique juste sur cette catégorie par rapport à tous les athlètes paralympiques qui ne pourront donc pas être compétitifs publiquement face à de telles performances spectaculaires ? Je me pose la question.

Le danger c’est que l’athlétisme paralympique ne soit vu qu’à travers ces sujets-là. Le paralympisme, ce n’est pas qu’une catégorie et ce qui est intéressant dans le paralympisme, c’est justement la diversité des handicaps qui reflète la diversité de notre société. Pour certains types de handicap, on pense que ce n’est pas possible de faire du sport et d’autant plus du sport de haut niveau mais au final, ce qui me plait justement, c’est l’exemplarité de tous ces sportifs avec un dépassement de soi face au double obstacle : se battre pour ses propres objectifs sportifs et de performance comme face aux stérétotypes et aux tabous de la société.

Nous avons justement les Jeux paralympiques en fenêtre médiatique pour pouvoir raconter de belles histoires des sportifs présents, des histoires percutantes, des histoires émouvantes, … avec des sportifs inspirants et il est dommage de n’aborder que des sujets polémiques.

ARNAUD ASSOUMANI – UNE BELLE GÉNÉRATION QUI EMERGE A LA LONGUEUR EN FRANCE

Sur le saut en longueur en France, il y a des jeunes qui arrivent, avec une très belle génération. En valide, ce qu’on a vu aux Europe et au Monde juniors est prometteur. Il y a par exemple Jules Pommery, qui s’entraîne à l’INSEP, qui a fait podium des France, même s’il n’a pas fait la performance qu’il souhaitait faire. Ou encore Erwann Konaté, champion du monde des moins de 20 ans qui a franchi récemment 8,12m. Ce sont de supers potentiels pour l’avenir. Quand on fait ses performances en juniors, c’est qu’on est capable de faire de grosses performances sur la suite.

Mais puisque qu’on est aux Jeux Paralympiques, je souhaite aussi parler de la génération en handisport avec par exemple Dimitri Pavadé et Thiphaine Soldé qui sont présents avec moi ici. Je ne souhaite pas séparer les valides des handisport et parler de manière générale de la génération future. Le talent est là en France. Il faut pouvoir désormais l’optimiser au maximum physiquement et dans la tête. Je prends l’exemple de Kafétien Gomis. Ce qu’il fait dans sa carrière, c’est super fort ; mentalement il est super fort et il a optimisé son potentiel quasiment à son maximum. Ce n’était pas forcément le plus talentueux, mais c’est un bosseur et il a su répondre présent au bon moment. C’est une inspiration pour moi. On était ensemble à Tignes en 2016, quand il fait son record en salle et qu’il est champion de France sur son dernier essai. Il avait 36 ans et je me dis que c’est inspirant.

J’ai hâte de voir la suite, pour la longueur française, car il y a une belle densité qu’il n’y a pas eu depuis un moment, une belle génération.

ARNAUD ASSOUMANI

Avec Etienne GOURSAUD

Retrouvez Arnaud Assoumani le 31 aout pour sa finale en saut en longueur. Il faudra se lever ou veiller, car son concours est à 2h30 heure française !

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