Dernier rempart : Cyril Dumoulin, la fraction de seconde qui fait la différence

“Pas de tirs compliqués ou simples…” Le récit passionnant de Cyril Dumoulin sur son poste de gardien de but !

Credit photo : DR

Cyril Dumoulin est le gardien du HBC Nantes en Lidl Starligue. Il a 36 ans et comptabilise également 81 sélections en équipe de France de handball, avec qui il a été champion d’Europe en 2014, champion du monde en 2015. Il est également finaliste de la Ligue des Champion avec Nantes, en 2018.

ISOLÉ DANS MA ZONE

C’est difficile de décrire les spécificités de mon poste. Je suis isolé dans ma propre zone, qui me sépare de mes défenseurs mais aussi des attaquants adverses, tant qu’ils ne sont pas en suspension. Je dois défendre avec n’importe quelle partie de mon corps un rectangle de 3m de large sur 2m de hauteur. C’est le but et les joueurs adverses veulent faire entrer le ballon dans celui-ci. Moi, je dois les empêcher.

1/3 DE SECONDE POUR FAIRE LA BONNE PARADE

C’est un poste qui va demander énormément de vitesses. On parle souvent à tort de reflexes pour un gardien de handball. Il y en a c’est sûr, mais avant tout ce sont des gestes qui sont calculés et travaillés à l’entraînement. Je suis à un poste où il faut analyser très vite et s’adapter encore plus vite. Les ballons partent parfois à plus de 120km/h et à quelques mètres de ma cage. Cela me donne à peu près un tiers de secondes pour faire la parade et contrer les intentions de l’attaquant.

LA PARADE : PRINCIPAL MOYEN POUR RÉCUPÉRER UN BALLON

Je suis à une position qui est un peu en retrait et un peu moins dans l’action. Comme dans tout système, les défenseurs sont là pour empêcher les attaquants d’être trop dans le confort au moment de défier le gardien. Il faut que le goal soit dans une situation favorable pour faire un arrêt et récupérer le ballon. Il faut savoir que la parade du gardien est le principal moyen pour une équipe de récupérer le ballon. C’est un travail de concert pour éviter les tirs trop faciles et favoriser mes chances.

LIRE LES TRAJECTOIRES DANS UN TEMPS TRÈS COURTS

Le point commun avec d’autres gardiens d’autres sports est notre capacité de lecture des trajectoires. Il faut un éveil qualitatif et une analyse des possibles et des impossibles, avec une lecture de trajectoires dans un temps très court. On peut y ajouter tout le travail de positionnement, pour rendre les parades effectives. Il y a bien sur la notion de couverture d’angle et être capable de couper les trajectoires via notre positionnement. Rien qu’avec une bonne position, on peut fermer un maximum de trajectoires et agir sur celles qu’on ne peut pas fermer directement. On dit souvent qu’on est un peu barjot. C’est la peur de l’inconnu qui fait dire cela. Et comme toute peur, elle peut se maitriser par la connaissance et la pratique. On me demande demain de sauter en parachute, je serais terrifié, alors que certaines personnes le font avec des saltos et des figures. Mais ils maitrisent les paramètres dans leur discipline.

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PAS DE TIRS COMPLIQUÉS OU SIMPLES

Tout tir maitrisé est difficile à arrêter. Il n’y a pas de tirs compliqués ou simples. Un tireur en confiance ou ayant une palette large de tirs va rendre notre choix de parade plus difficile. Je pense notamment à mon coéquipier à Nantes Valéro Rivera. Il fait partie des ailiers ayant la palette la plus large. Même quand on fait le bon choix face à lui, il faut être précis dans l’exécution de la parade. Une seconde peut faire une grande différence.

UN GARDIEN ADVERSE QUI EST EN RÉUSSITE : VICTOIRE COMPROMISE

J’accorde de l’importance dans la performance du gardien adverse uniquement pour conseiller mes tireurs, afin de le (re)mettre en échec. Je n’y accorde pas d’importance sur ma propre prestation. Je sais juste que si le gardien adverse est en réussite, cela complique nos chances de victoire. J’aurais une forme d’analyse voire, sans prétention, d’une certaine expertise. Sur ce que je peux voir pour essayer de lui faire perdre confiance.

L’ÉTAT DE GRACE, C’EST QUAND ON NE SE POSE PLUS DE QUESTIONS ET QUE TOUT DEVIENT NATUREL

L’état de grâce est un état de sérénité. On est à un poste ou le doute nous habite en permanence. On est en échec régulièrement face au tireur. Contrairement au foot ou au hockey, on encaisse plus de buts qu’on en arrête. Un bon match pour nous est à partir de 33% d’arrêts. Donc deux tiers des tirs cadrés qui entrent. L’Etat de grâce, c’est quand on ne se pose plus de questions et que tout devient naturel. On est en adéquation avec tout et l’analyse est plus claire, plus simple et plus efficace. Avec le doute, on prend en compte tout un tas de paramètres parasites, qui n’existent plus avec cet état de sérénité. On ne peut pas dire que tout va plus lentement mais plutôt qu’on analyse mieux les actions. C’est aussi un équilibre en l’échec du tireur adverse et notre propre montée en puissance. Si le tireur échoue, on peut le mettre en doute et le pousser à faire de moins bons tirs ou des tirs qu’il ne maitrise pas. Cela peut renforcer encore cet état de grâce. On rentre sur le terrain face à des joueurs censés être plus en confiance que nous. Il faut être capable de d’inverser la tendance et de se nourrir de l’échec adverse.

MANIFESTER PHYSIQUEMENT ET VISUELLEMENT NOTRE RÉUSSITE

Je pense que cela peut arriver à n’importe quel match, mais on peut essayer d’enclencher le processus, mais sans y arriver tout me temps. Comme je disais, il faut se nourrir de notre propre réussite pour déclencher l’état de grâce. Cela peut être à un moment donné, avoir une expression positive pendant le match comme haranguer ses coéquipiers ou encore manifester physiquement et visuellement notre réussite. Il faut galvaniser le public et les joueurs pour se galvaniser soi-même, pour tenter d’atteindre cet état de sur-confiance.

J’AVAIS LA SENSATION D’ÊTRE UN JEDAI

Je me souviens d’un match contre Barcelone, avec Chambéry en Ligue des Champions. Je fais 26 arrêts à 50% de réussite. Tout était fluide et facile. J’avais la sensation d’être un Jedaï, je voyais tout, une demi-seconde en avance, comme si je savais ce qui allait se passer et quels tirs, les tireurs allaient me proposer. C’est un sentiment de plénitude.

UN GARDIEN EN RÉUSSITE, ON NE VOIT PRESQUE QUE LUI !

Inversement, un gardien qui n’est pas en réussite, c’est la défaite presque assuré pour son équipe. On occupe un poste à responsabilités. Cela ne se voit moins qu’en football mais cela peut se voir plus souvent. On est sollicité environ soixante fois dans un match. C’est autant de possibilités de faire un exploit ou une boulette. La probabilité est plus importante. Et le public voit l’échec ou la réussite. En handball, on ne peut pas se cacher quand on est en échec, mais un gardien en réussite, on ne voit presque que lui ! Un passionné de handball va comparer les différentes statistiques dont celle du gardien. Le pourcentage d’arrêts revient très souvent dans les analyses. Un gardien qui brille sera souvent élu meilleur joueur du match. Quand on brille, on peut faire 15 a 25 arrêts. C’est autant d’actions positives. Un joueur qui plante 10 buts a réussi un match énorme. Le nombre d’actions positives est donc souvent inférieur. Mais inversement, si on prend 40 buts dans un match, c’est qu’on a déçu 40 fois

 

CYRIL

Avec ÉTIENNE GOURSAUD

 

 

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