Les athlètes sont souvent imperméables à toute communication avant que la compétition ne soit terminée. La rubrique « Dans la peau » permet à un sportif de partager avec vous ces moments secrets et déterminants qui forgent la réussite de leurs projets.
La multiple médaillée d’Europe et du Monde en 200 et 4X100 m, Muriel Hurtis, a marqué de son empreinte l’athlétisme français. C’est Sans Filtre que la sprinteuse française évoque sa nouvelle vie hors des pistes, l’avenir de l’athlétisme, ses initiatives auprès des jeunes et cette passion pour le sport. (Crédit Une : AFP)
UNE DISCIPLINE EN RECHERCHE DE NOUVELLES CHAMPIONNES
Ma carrière est remplie de nombreux titres, mais j’ai décidé d’y mettre un terme à 35 ans.
Faire du haut-niveau à cet âge-là devenait plus difficile surtout physiquement et je souffrais beaucoup.
On pousse toujours notre corps au-delà de ses limites et les performances ne sont plus les mêmes. On perd en explosivité, en force, mais je ne regrette absolument rien, car continuer l’athlétisme jusqu’à cet âge était plutôt bien. C’était une belle et honorable longévité pour ma discipline !
Aujourd’hui, la compétition me manque. J’ai toujours été une grande compétitrice et j’adorais me retrouver dans mon groupe d’entraînement sur les stages. Mais ce qui me manque le plus, c’est surtout l’univers dans lequel j’étais.
Porter ce maillot bleu à chaque compétition, participer à des relais par équipe avec des athlètes que nous côtoyons au quotidien était juste formidable. Je suis moins nostalgique des entraînements, car les exercices étaient très difficiles.
Puis lorsque la nouvelle génération est arrivée, le mental n’a plus suivi et la motivation n’était pas toujours été au rendez-vous. Lorsqu’on est jeune, il est plus facile d’être motivée et d’avoir la même énergie que lorsqu’on est en fin de carrière. Cette énergie que j’avais étant plus jeune, je la perdais petit à petit.
Depuis que j’ai terminé ma carrière, l’athlétisme français n’a pas eu une athlète au potentiel mondial dans le sprint. On peut remarquer qu’il y a un fossé chez les filles comparé aux hommes.
Il faudrait faire des détections très tôt pour avoir un maximum de chance d’avoir de bonnes athlètes, et je trouve qu’il n’y en a pas assez. Je pense qu’on ne sait pas bien les repérer, ni même les garder. C’est aussi une histoire de cycles.
Sur certains espoirs que je suis, il y a Elea-Mariama Diarra qui a remporté le titre individuel de Championne de France 2017 sur le 400 mètres à Marseille, avec un record personnel. J’ai eu la chance de courir avec elle lorsque j’étais encore athlète.
Il y a aussi mes anciennes partenaires de relais 4X400 mètres, comme Floria Guei, qui est l’un des espoirs français. Elle a un grand potentiel de course et de vitesse et je lui souhaite d’ailleurs bonne chance pour les Championnats d’Europe de Berlin qui auront lieu du 7 au 12 août 2018.
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On aura des chances de médailles pour les athlètes français. Ces performances vont aussi créer du niveau parmi toutes ces filles et au fur et à mesure cela va augmenter.
À un moment donné, la Fédération Française d’Athlétisme m’avait même chargée d’être ambassadrice auprès des jeunes. Je menais des actions auprès d’eux et ça s’est arrêté. Cependant, s’il s’avère que la Fédération me rappelle, je serais toujours disponible.
J’interviens souvent aussi dans des groupes d’entraînements des jeunes de l’Équipe de France lors de stages. Je leur parle de mon expérience d’athlète de haut-niveau. La transmission pour les plus jeunes est quelque chose que j’aime bien.
Et puis cela m’a aussi permis de me battre dans ma carrière pour aller au bout de ce que j’entreprenais. La motivation est très importante, car pour réussir il ne faut jamais abandonner. Donc j’essaye de les motiver tout comme je l’ai été durant ma jeunesse. C’est cet apprentissage que j’ai reçu tout au long de ma carrière que je favorise chez les plus jeunes.
UNE NOUVELLE VIE HORS DES PISTES
Après ma carrière, j’ai repris mes études de psychomotricité et j’ai obtenu mon diplôme. Ça m’intéressait, car c’est un métier de soin où le corps est l’outil principal. Il faut être bienveillant, à l’écoute et dans l’empathie.
Si je suis bien dans ma tête, mon corps va bien et si mon corps va bien je suis bien dans ma tête. Les deux sont liés, et la psychomotricité soigne cela à travers le corps pour obtenir des résultats au niveau psychique.
En tant qu’ancienne athlète, le rapport était similaire. Mon outil de travail était mon corps, le mental était aussi très important. Ce métier était tout simplement formidable, je l’ai adoré et j’en ai beaucoup appris sur moi-même.
J’ai vraiment pris du plaisir et je ne regrette pas ce choix d’étude. Même si je ne l’exerce pas en tant que psychomotricienne pour l’instant, je ne le mets pas de côté. C’est une formation qui me sert tous les jours. Puis j’ai eu une proposition d’un autre poste et fait le choix de changer de direction.
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Désormais, je travaille au Crédit Agricole Alpes de Provence au service communication « Sport pour valeur ». Je m’occupe des partenariats sportifs, de l’évènementiel, de la communication autour du sport.
J’ai aussi été consultante sur les meetings d’athlétisme pour SFR Sport et Canal + Afrique. Ce n’est pas un exercice où je suis forcément à l’aise, mais en pratiquant on prend un peu plus d’assurance et c’était une superbe expérience.
Il y a une grosse différence entre ma vie d’athlète et ma vie actuelle. Ce sont deux vies complètement opposées notamment au niveau du rythme. À l’époque j’avais un entraînement tous les jours. Je partais en stage, je faisais des compétitions et cet univers-là s’est complètement arrêté.
Dès à présent, un nouveau se crée. Je profite de ma famille, car je suis moins en déplacement, mais je me suis préparée à ce changement. Je le vis bien et je me dis que j’ai presque tout accompli.
Lors de ma carrière, je retournais souvent dans mon île d’origine, la Guadeloupe. Le calme me permettait de progresser et j’avais besoin de me ressourcer pour m’apaiser, me reposer, puis vraiment repartir de l’avant pour être à 100%. En tant qu’athlète on est souvent trop concentré sur notre sport ce qui peut être au détriment de choses importantes dans notre vie. Il est donc important de prendre ce temps nécessaire pour faire le vide et penser à autre chose.
C’était l’endroit idéal, mes grands-parents étaient là-bas et aussi la plupart de ma famille. J’étais bien et ça m’amenait une sérénité que je ne trouvais pas ailleurs.
GARDER CETTE MÊME PASSION
Après avoir été Championne d’Europe en 2014 lors du relais 4X400 mètres avec Marie Gayot, Agnès Raharolahy et Floria Guei, j’ai décidé d’arrêter l’athlétisme.
Terminer ma carrière d’athlète par une médaille d’or, en compagnie des espoirs français était pour moi quelque chose d’exceptionnel. Comme si je passais le témoin, la relève, aux plus jeunes.
Bien évidemment, j’ai changé. Tout d’abord en maturité, mais j’ai pris beaucoup de recul aussi. Je ne suis plus la même qu’à mes débuts, car après une vingtaine d’années dans l’athlétisme, le plaisir est toujours présent mais d’une autre manière que durant ma carrière comme spectatrice ou comme mentor auprès des plus jeunes. Et je pense qu’il le restera longtemps.
Toutefois, il était difficile de se dire que ce que je venais de vivre durant de longues années allait s’arrêter. Alors j’ai recherché quand même un sport à pratiquer, et plutôt un sport d’équipe.
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Je ne savais pas trop vers quoi me tourner, car j’arrivais dans une nouvelle région, et je ne connaissais pas forcément les offres qu’il pouvait y avoir.
Puis sur un forum classique, je suis tombée par hasard sur des dirigeants du football américain. Je me suis renseignée et le concept m’a tout de suite plu.
J’y suis allée et j’ai découvert un sport que je ne connaissais pas avec cet esprit d’équipe que je recherchais.
Alors j’ai vraiment pris du plaisir à m’entraîner et à le découvrir. En plus, je retrouvais un petit peu la compétition ce qui n’était pas pour me déplaire.
C’est pour cela qu’il faut bien préparer son après-carrière et beaucoup de jeunes ne le font pas. Durant ma carrière je suis tombée enceinte et je n’ai pas retrouvé mon meilleur niveau.
Je ne regrette pas du tout cet évènement. Même si j’ai pris beaucoup de poids durant ma grossesse, que ça a été bien plus difficile que je ne l’imaginais, j’ai toujours voulu mon fils.
C’est tellement un bonheur d’être mère ! Après ma grossesse l’athlétisme n’était plus mon ultime priorité, c’était important, mais ma vie de famille passait avant. Cela ne m’empêchait pas de poursuivre et de vivre ma passion.
Alors à tous les jeunes, il ne faut rien regretter, toujours être dans l’engagement et prendre du plaisir, car sans plaisir, sans passion on ne peut pas y arriver. Il faut toujours garder cette passion.
MURIEL AVEC SOLÈNE ANSON