Les sportifs ne brillent pas uniquement sur le terrain mais en apportant une aide à leur communauté par une action, une parole, une prise de position. La rubrique « Engagés » permet à un sportif de partager avec vous une réflexion sur une cause particulière.
Les sports de combat ont toujours été le lot quotidien de Vincent Parisi, avec un père aux plusieurs médailles olympiques et une mère qui fût la plus jeune ceinture noire de judo. Il nous raconte son parcours dans l’univers des arts martiaux et nous apporte son éclairage positif sur le MMA, une discipline en pleine explosion au niveau mondial mais qui peine à faire sa place en France pour des raisons institutionnelles et légales.
Mon père, Angelo, a été champion olympique de Judo et porte-drapeau en 1984, aux JO de Los Angeles. Il est encore aujourd’hui le judoka le plus médaillé aux Jeux Olympiques. Ma mère, Caroline, a quant à elle été la plus jeune française ceinture noire de judo, à l’âge de 16 ans. Ma passion pour les sports de combat a sans doute un lien avec cela.
J’ai d’abord habité en Angleterre une année, puis à Vincennes jusqu’à mes 7 ans près de l’INSEP, car mon père y était. Ensuite, j’ai déménagé avec ma mère à Cannes jusqu’à mes 21 ans, car mes parents avaient divorcé. Ma mère ne voulait pas que je fasse du judo et j’ai donc commencé par d’autres sports comme le tennis, la natation, etc.
Tous les étés, je partais en vacances à l’île d’Oléron avec mon père qui faisait un stage international de judo, le plus grand au monde à l’époque. Il y avait tous les niveaux et tous les âges. Pendant plusieurs années, je n’ai pas participé. Ma mère ne voulait pas que je fasse de sport de combat. Mais j’étais toujours entouré par de grands champions, et notamment mon père. J’adorais cette atmosphère, j’admirais tout ce que je voyais et mon père était un vrai modèle pour moi.
This is custom heading element
À l’âge de 18 ans, j’ai eu une croissance fulgurante où j’ai pris 15cm. Je me suis également remis à la natation et je me suis bien développé en prenant une dizaine de kilos dans les deux années qui ont suivi. Je suis donc arrivé l’été de mes 20 ans en me sentant un peu plus solide qu’auparavant. Mes copains me tannaient depuis des années pour que je monte avec eux sur le tatami et je ne cédais pas. Finalement cette année-là j’ai commencé à faire la partie renforcement musculaire à la fin de chaque entraînement et de fil en aiguille j’ai pris part pour la première fois à des leçons de judo.
J’ai rapidement eu quelques facilités, je prenais bien sûr des raclées de temps en temps, mais il m’arrivait de faire tomber des athlètes bien plus fort que moi, notamment quelques ceintures noires. Ayant tellement observé mon père et son judo si particulier fait d’une multitude de mouvements et aussi bien complet en attaque qu’en défense, j’arrivais à mettre en pratique toute cette théorie que j’avais emmagasinée au fond de moi durant ma jeunesse. Je ne comprenais pas forcément ce que je faisais, mais j’imitais les gestes de mon père.
J’ai donc participé à la compétition de fin de stage et j’ai terminé 3ème. C’est sans doute un des déclics qui m’a conduit à continuer dans les sports de combat. J’avais toujours rêvé d’en faire, comme mon père, donc c’était le moment parfait pour me lancer.
LES SPORTS DE COMBAT, UNE VOCATION
Je suis donc monté vivre sur Paris avec mon père, en m’inscrivant pour la première fois dans un club de judo. J’aimais bien Bruce Lee, Jean-Claude Van Damme, et je voulais me mettre à fond dans les arts martiaux. Le côté positif de ce type de pratique est qu’il y a plusieurs disciplines possibles et enseignées dans les clubs. J’ai donc fait du jujitsu les jours où il n’y avait pas d’entraînements de judo.
Mon père ne souhaitait pas vraiment que je fasse du judo, il connaissait les contraintes physiques, la dureté de ce sport et les traumatismes que cela pouvait engendrer. Au fond de lui il était quand même heureux de me voir épanoui, d’autant plus que je me suis redirigé vers le jujitsu qui est le père du judo. Il m’a demandé de m’investir sérieusement, car il voyait mes capacités et se rendait compte de mon potentiel. À ce moment je ne l’ai écouté qu’à moitié, c’est la jeunesse, mais il faut toujours écouter son père !
Après de nombreux entraînements de karaté, grappling, jiu-jitsu brésilien, j’ai découvert le MMA. Je me suis alors mis à la boxe anglaise et au kick-boxing pour perfectionner ma technique dans cette nouvelle discipline.
C’est un parcours logique dans les arts martiaux de tester plusieurs disciplines au fil du temps. Il est important de découvrir d’autres arts pour se perfectionner dans tous les secteurs.
J’ai été sélectionné pour la première fois en équipe de France de Jujitsu en 2000. J’ai continué ma carrière jusqu’en 2012, avec des titres de champion de France, d’Europe et du Monde.
Finale FSM +94 kg - Vincent Parisi (FRA) vs Simon Roiger (GER)
En parallèle, j’étais éducateur. J’ai toujours eu un intérêt à transmettre aux jeunes ce que j’apprenais et cela m’a énormément servi lorsque j’ai commencé à commenter le MMA, sur RTL9 à partir de 2008. Avoir une vision éducative était importante pour expliquer ce sport méconnu, être patient et répondre notamment aux nombreuses critiques de ce sport par des démonstrations simples et pédagogiques sur ce qu’est ce sport, et quelles sont ses valeurs.
Il est d’ailleurs important de bien définir ce qu’est le MMA, afin d’avoir un débat constructif et un avis légitime sur cette pratique.
Le MMA signifie “Mixed Martial Arts” ou “Arts Martiaux Mixtes” en français. C’est un sport de combat qui regroupe plusieurs disciplines comme la lutte, le judo, le kickboxing, le muay thaï, la boxe et le jiu-jitsu brésilien. Les combats sont pratiqués sous forme de championnat et peuvent être gagnés par KO, KO technique, abandon, ou décision des juges.
L’origine du MMA a des racines bien plus vieilles qu’on ne le pense. Cela existait il y a des milliers d’années, avec notamment le pancrace (ancien sport de combat grec très populaire durant l’antiquité avec peu de règles) et le pugilat (ancêtre de la boxe anglaise durant l’antiquité). Ces deux pratiques étaient très populaires dans les pays comme la Grèce, la France, l’Italie, les pays ibériques et même l’Égypte et la Tunisie.
LE MMA, UNE IMAGE FAUSSÉE EN FRANCE
Aux débuts du MMA, il y a eu beaucoup de propagandes et de désinformation sur ce sport. Les gens pensaient que tout était permis, qu’il n’y avait quasiment aucune règle. C’était bien sûr totalement faux, il n’y avait pas le droit de taper dans les parties génitales, ni de mettre les doigts dans les yeux ou dans la bouche, ni de taper sur la colonne vertébrale. Mais comme il n’y avait pas de catégories de poids, ou d’obligation de porter des protections, cela le rendait impressionnant. C’était un peu la rencontre d’experts de sports différents en se testant et en ayant pour but de démontrer quelle discipline est la plus performante.
Pour vous expliquer comment ce sport a refait surface au XXe siècle, il faut se tourner vers le Japon et le Brésil. Un maître Japonais de judo et jiu-jitsu, Mitsuyo Maéda est venu s’installer au Brésil. Il devint ami avec un certain Gastao Gracie et donnait même des cours aux fils de Gastao. Ces frères se sont ensuite spécialisés et l’un d’eux a créé le Gracie jiu-jitsu, équivalent du jiu-jitsu brésilien. Par la suite, ils sont organisés des combats, sans règles, qui ont été nommés « Vale Tudo », qui signifie « tout est permis ».
Dans les années 80, l’un des petits-fils de Gastao Gracie amena cette discipline aux États-Unis. Quelques années plus tard, avec le soutien d’hommes d’affaires, il créa un championnat qui se nomma UFC, « Ultimate Fighting Championship ». Le but était de mettre en duel des maîtres d’Arts martiaux différents. C’est donc en 1993 que l’UFC fut officiellement créé. À ce moment-là, les règles n’étaient pas nombreuses, il n’y avait pas de juges, pas de rounds et pas de catégories de poids. La victoire était accordée par KO, abandon ou arrêt de l’arbitre.
Les débuts furent mitigés, avec beaucoup de plaintes concernant la brutalité des combats. Le Pride Fighting Championships fût organisé au Japon en 1997 avec plus de règles, et cette fois-ci des juges et des rounds. Mieux, il y avait maintenant un lieu précis pour combattre, un ring de boxe. Le problème était que les combattants pouvaient se retrouver éjectés du ring. À cette époque, les grands noms étaient Dan Henderson, Wanderlei Silva ou encore Shogun Rua.
C’est finalement en 2001 que les frères Fertitta et le célèbre Dana White se lancèrent dans l’aventure UFC pour relancer cette pratique, en uniformisant les règles du MMA. Ils voulaient en faire un championnat réglementé, en rajoutant des catégories de poids notamment, et en reprenant cette cage qu’avait créé Rorion Gracie et qui a finalement pour but de protéger les combattants alors qu’on entend souvent que cela fait penser à une cage d’animaux. Là encore on se trompe, cela évite aux combattants de tomber hors du ring comme c’était le cas avec le PFC.
Pour moi un combattant comme Georges Saint-Pierre fait beaucoup de bien à ce sport. C’est un vrai fan d’arts martiaux depuis qu’il est enfant, avec une ceinture noire en Karaté et en jiu-jitsu brésilien. Il a cet état d’esprit des arts martiaux avec beaucoup de respect pour l’adversaire et pour les traditions des disciplines qu’il pratique.
This is custom heading element
Il y a plein d’autres grands noms comme Anderson Silva, Jon Jones, ou même Conor McGregor dans un style différent. Ce dernier est un showman un peu à la Mohamed Ali, mais c’est surtout un combattant hors pair issu de la boxe, de la lutte et du grappling. Ce qui est phénoménal dans ce sport c’est que chacun apporte un style différent, et cela enrichit le spectacle. On le voit avec Ronda Rousey qui vient du judo ou Randy Couture de la lutte.
La finalité est qu’un combattant doit s’améliorer dans plusieurs disciplines et même en maîtriser deux ou trois parfaitement pour pouvoir prétendre à un titre. Par exemple, le Franco-Camerounais Francis Ngannou est un athlète, un combattant très complet. Il pourrait aussi bien combattre contre un boxeur que contre un lutteur. Il a le potentiel pour prendre une ceinture UFC.
PROMOUVOIR LE MMA EN FRANCE
Il y a d’ailleurs un vrai réservoir de combattants en France avec un vrai potentiel. Pour le moment il n’y a pas de fédération en France et donc pas de vraies structures. C’est ce qui manque le plus, je pense, pour qu’un Français puisse pouvoir prétendre à une ceinture. Cheick Kongo a été vraiment fort et il aurait pu avoir sa chance. Actuellement notre meilleur combattant est pour moi Francis Ngannou, car comme je le disais, il est complet. Il a un physique frais et solide, il est très puissant. Étant arrivé tardivement au haut-niveau, il n’est pas encore usé comme peuvent l’être d’autres athlètes. De plus il a un passé et un vécu où il a connu le pire, il a donc une force mentale incroyable et il n’a peur d’aucun adversaire. Je lui souhaite le meilleur, car il a encore une très grande marge de progression.
Aujourd’hui avec quelques combats gagnés en MMA/UFC un athlète aura rapidement une place dans les médias, ce qui n’est pas le cas pour un judoka, un karatéka ou dans un autre sport de combat. L’UFC est devenu un mastodonte médiatique.
RTL9 a été la première chaîne à diffuser du MMA. J’ai commenté les matchs pendant 7 ans. Ma passion du sport et des arts martiaux m’a poussé à essayer de transmettre les valeurs auxquels les combattants sont attachés, et que mon père m’a notamment transmises. J’ai toujours essayé de montrer que ce sport n’est autre qu’un art martial, avec tout ce que cela comporte. Il a fallu être pédagogue pour expliquer les règles, le fonctionnement et la mentalité.
C’est un sport aussi noble que les autres, mais le style est plus spectaculaire, car ils combinent tous ces arts martiaux donc nous avons le droit d’utiliser toutes les techniques de chaque discipline.
Cela a été très difficile de changer l’état d’esprit des journalistes et du public sur ce sport. Ça s’est fait petit à petit, mais ce n’est pas encore terminé. Mais ce sont des sportifs de haut niveau, respectables et qui pratiquent un beau sport.
Un des plus beaux compliments que j’ai reçu vient de la part des quelques mères de famille qui m’ont dit ” vous savez le MMA je ne pouvais pas le regarder, et je ne voulais pas que mon enfant le pratique. Et quand je vous ai écouté, avec vos explications, vous m’avez fait comprendre et j’ai adhéré à ce sport“.
J’essaie de continuer de promouvoir les sports de combat aujourd’hui avec ma chronique « le coach » dans l’émission Happy Sport sur BeIN Sports, ou je prends beaucoup de plaisir.
Aujourd’hui, le MMA se développe très bien dans les clubs en amateur, en loisir. Et ceci sans compétition pro autorisée en France pour le moment. C’est impressionnant de voir ça, cela montre que ce sport attire énormément et qu’il peut devenir une discipline majeure en France dès demain si on crée une fédération avec des structures.
Ce qui est parfois difficile à comprendre est que l’image des sports de combat est souvent liée à un comportement de mauvais garçon, parfois même de sport de voyous ou de banlieue. Or ce sont des disciplines où les affrontements sont codifiés, avec de vraies règles, un code d’honneur, du respect, des médecins autour, etc.… Alors que nous assistons parfois à des affrontements dans d’autres sports, par exemple dans le rugby qui est un sport de contact, très rugueux, mais cela ne choque personne et l’image renvoyée n’est pas du tout celle de mauvais garçon. Donc vous m’avez compris, une des choses à changer est l’image parfois négative qu’ont ces sports de combat !
Il est vrai qu’actuellement nous avons des personnes aux instances dirigeantes qui sont contre le MMA. Il sera très dur de changer leurs visions des choses, c’est un peu un clash de civilisations ou d’époques.
J’ai beaucoup d’espoir en Laura Flessel, c’est une grande sportive, intelligente et qui veut faire avancer les choses. Nous avons de la chance d’avoir une ministre comme elle. De par son passé, je pense qu’elle connait les sports de combat et ça ne m’étonnerait pas qu’elle soit ouverte à la discussion pour légaliser ce sport. Je trouve d’ailleurs ce terme de légaliser beaucoup trop fort, comme s’il s’agissait d’une drogue ou d’un délit. Il s’agit d’un sport respecté et pratiqué par des maitres d’arts martiaux, ne l’oublions pas.
Former des éducateurs, investir dans des structures, former des arbitres… Et au final, accepter par exemple que l’UFC vienne une ou deux fois par an organiser une compétition, permettra de financer tous les investissements nécessaires à la bonne évolution de ce sport.
Par contre je tiens à prévenir sur ce sujet, si demain le MMA devient praticable/légal en France, il faut absolument une vraie fédération, et des mesures pour encadrer sa pratique. Il ne faut pas laisser ce sport aux mains de promoteur véreux, car ce sera tout simplement un point de non-retour.