Aurore Fleury : “Cette perf va rehausser les objectifs de ma carrière”

Trois jours après son record pulvérisé à Monaco sur 1500m, Aurore Fleury nous raconte sa course, son ressenti et son immense émotion après cet exploit.
France Elite Athle
Aurore Fleury favorite sur le 1500 m !

L’émotion est encore palpable trois jours après son immense performance. Aurore Fleury a pulvérisé son record personnel à Monaco, sur le 1500 m. En réalisant 4’03”35, elle devient la 6e performeuse française de tous les temps. Une performance qui aurait pu être synonyme de minima, mais réalisée trop tard. Elle nous raconte sa course, son ressenti et son immense émotion après cet exploit. Qui a aiguisé son appétit pour la suite de sa carrière.

Nous l’avions rencontré il y a quelques semaines : Lire ICI

AURORE FLEURY – JE SUIS ENCORE SUR MON PETIT NUAGE !

Je suis encore sur mon petit nuage et c’est une sensation que je ne connais pas encore. Je suis très haut dans le ciel (rires). Comme je l’ai dit, je pensais être capable de courir en 4’05 et on pensait que sur un coup d’éclat, sur quelque chose comme il s’est passé vendredi à Monaco, cela pouvait faire les minima. Quand on vise 4’05, on sait que les 4’04”20 ne sont pas loin. Je pouvais ne pas en être loin et la course parfaite est rare. On savait que cela pouvait être Monaco et j’ai eu la chance de pouvoir y courir. On s’est dit que c’était top de pouvoir les faire là-bas. Même si c’était après les jeux.

Il y avait des signes qui montraient que je pouvais ne pas en être loin, mais il fallait le faire. C’est hyper dur de rentrer dans une course comme Monaco, c’est aussi pour cela, qu’on n’y a pas trop pensé. Cependant, il y a vraiment une fois où j’ai pensé être capable de faire les minima, c’est avant de courir à Madrid. Je pensais que la course allait se gagner en 4’02-4’03, finalement cela se gagne en 4’06. De toute manière, je n’étais pas dans une bonne journée, ce soir-là. La semaine de Madrid, je ne sais pas pourquoi, mais je parle à mon coach et je lui dis : “Désolé si tu me prends pour une folle, mais je pense que je peux aller chercher les minima”. C’est la seule fois où je me suis permise d’y rêver.

J’AI SU LA VEILLE A MIDI QUE JE COURAIS À MONACO

Et il m’a dit : “Aurore, je suis d’accord avec toi, cela fait quelques jours que j’y pense et on peut essayer”. Mais Madrid n’était pas le bon jour. Il faut une bonne journée. Ensuite, c’était fini, car je savais qu’il n’y avait plus de grosses courses. Éventuellement Monaco si j’étais championne de France. Ce record est une énorme surprise, mais quand j’y réfléchis, on a pensé à faire 4’04 ! 7

Je suis invitée au dernier moment à Monaco, je l’ai su la veille à midi. Cela a été la course pour aller à Monaco. Il n’y avait plus d’avions disponibles, plus de trains. Un Paris-Nice au mois de juillet c’est compliqué (rires). Heureusement que j’étais sur Paris, pour voir mon conjoint courir et battre son record au 1500 m à Saint-Maur. On a mis 2 heures à trouver un billet d’avion à 600 €, j’ai beaucoup pleuré de stress, mais une fois dans l’hôtel, je me suis mise en mode athlète. Cependant, je remercie les organisateurs de Monaco. Et pour Monaco on met le paquet, on paye et on verra après.

AURORE FLEURY – TOUT ÉTAIT RÉUNI POUR QU’IL Y AIT UN RECORD

Je me sens hyper bien durant la course, j’ai sentie que j’étais dans un bon jour. Il fallait prendre l’avant-dernière hors Sara Benfares et l’accrocher. Rester à son contact et se dire “tu cours, tu cours, tu cours”. J’ai de la chance, car la course est tellement rapide devant, cela provoque des cassures. Et il n’y avait pas de lièvre dans mon groupe et cela a un peu ralenti, ce qui était parfait pour moi. J’ai vu les chronos et j’ai senti que j’étais toujours autour de 4’03. J’étais bien et tous les 100 m je faisais un bilan de mon corps. “Ok, 100 m de plus, je suis bien, je suis là”. En réalité, je m’attendais à prendre un mur et je me disais, que je ne pourrais plus suivre les filles, mais qu’il faudra s’arracher comme une lionne pour battre son record, même si c’est dur, il faudra le faire.

À la cloche, je me dis : “Ça va !”. Je laisse un petit trou avec la fille devant, de façon psychologique, car je me dis que c’est là que je dois laisser filer, pour ne pas exploser. Entre la cloche et le 300 m, je réalise que je suis à leur niveau et qu’il faut terminer hyper fort, pour carrément aller en chercher certaines, aller au sprint avec. J’étais dans la forme de ma vie, pas de lactique ni rien. Je rattrape le petit retard accumulé pour de mauvaises raisons et à l’entrée de la ligne, je suis avec les filles et j’en dépasse trois. La course aurait pu durer 50-60 m, j’aurais pu accélérer encore. Je ne me mets même pas par terre ! Limite, je regrette que ce ne soit pas un mile (rires). C’était un super jour, la course est fluide, les filles devant savent respecter les allures, il n’y a pas d’a-coup inutiles. Cela donne 4’03”35. Tout était réuni pour qu’il y ait un record. Beaucoup de filles font soit leur record, soit leur Season Best.

IL Y A UNE AURORE HYPER HEUREUSE ET UNE AURORE HYPER DÉÇUE

Le regret sur les minima ? C’est paradoxal. Il y a une Aurore qui est hyper heureuse et qui veut garder que le positif. Et une Aurore qui est hyper déçue et qui sait qu’elle a raté une chance. Je suis dans un état émotionnel contrasté car ce sont les Jeux Olympiques. Et je sais qu’avec 4’03, j’avais les armes pour entrer en demi-finale et pas juste pour faire de la figuration en série et me faire sortir. J’ai la sensation d’avoir énormément de chance, mais en même temps, de vivre presque un enfer. Il n’y a aucune chance d’être repêchée et c’est totalement normal. Qu’est ce qu’on pourrait dire à la dernière qualifiée qui sautait parce qu’Aurore Fleury a fait 4’03 après la date limite ? Il faut bien une date limite et les filles qualifiées le méritent. Mais c’est dur pour moi.

En revanche, cette performance va rehausser les objectifs de ma carrière. Comme j’ai dit à chaud après la course, j’ai l’impression d’avoir 20 ans, j’adore ce que je fais et j’ai l’impression d’avoir toute la vie devant moi pour faire de l’athlétisme. Je ne vais plus me mettre de limites comme j’ai pu le faire auparavant. Je ne me suis pas vraiment permise de pousser pour participer aux grosses courses et faire 4’04, car je n’étais pas certaine de le valoir. Mais, avec mon coach, on n’osait pas le dire, mais au fond de nous on le savait. On a sans doute été trop prudents et c’est ce qui nous coûte les Jeux. Mais c’est normal, car on n’avait pas ce niveau sur le papier. Le timing de la performance est hyper mauvais. Avec les Jeux qui arrivent et le fait que ce soit trop tard. Mais c’est mon destin, c’est comme ça.

AURORE FLEURY – AVEC 4’03 JE PEUX PRESQUE ENTRER DANS TOUTES LES COURSES

Je suis heureuse mais je me dis aussi que c’est loupé juste pour une question de jours. Peut-être que cela aurait changé les choses, si j’avais pu participer à des grosses courses avant. On a fait les premières performances un peu tout seul et j’aurais aimé avoir un peu plus de soutien des gens qui sont en charge de tout cela. S’intéresser un peu plus à mon profil, me demander comment je m’entraîne et qu’est ce qu’il me manque pour faire cette grosse performance. Ma réponse était : “Des grosses compétitions, de très haut niveau”.

Je ne pouvais pas faire mieux, trouver de meilleures courses que celles que j’ai faites. Maintenant, avec 4’03, je peux presque entrer dans toutes les courses que je veux. Je suis la 27e mondiale. Normalement cela devrait le faire. C’est pour ça aussi que je me dis que le meilleur reste à venir et que cela va être “facile”. Je n’ai qu’à appliquer les recettes qui marchent, avec un coach et un entourage extraordinaires. Ce qu’il me manquait jusque-là, je vais l’avoir facilement. Je n’ai qu’une seule chose en tête : le record de France du 1500 m en 3’59”76 (NDLR : détenu par Hind Dehiba). Et cela restera jusqu’à ce que j’y arrive.

BEAUCOUP DE MESSAGES DE FÉLICITATIONS

C’est encore un peu tôt pour mesurer les retombées de ma performance. J’ai eu beaucoup de messages, quelques centaines d’abonnés sur Instagram. Mais à part cela, pour le moment honnêtement non, pas encore de retombées. Il y a eu beaucoup de félicitations cela dit. Il faudra du temps et encore une fois, ma performance arrive au mauvais moment. Cette performance va être totalement effacée par les JO qui vont commencer. En termes de retombées et de communication, ce n’est pas la meilleure période. Mais ce n’est pas grave, car la performance est faite. Le reste viendra.

Les modalités pour Eugène 2022 ne sont pas encore claires. Je ne peux pas dire que ma performance me qualifie d’office pour les mondiaux. World Athletics a publié ses minima, qui seront les mêmes que pour les JO, mais reste à savoir ce que va proposer la FFA, car elle peut durcir les modalités. A cette période de l’année, rien n’est sûr et je ne veux pas me reposer sur cet acquis du 4’03. Ma performance va bien me placer c’est sûr. Il n’y aura plus de 1500 m pour faire mieux. Le calendrier était programmé sur les Jeux et je n’y vais pas.

AURORE FLEURY – JE ME SENS CAPABLE DE FAIRE MIEUX QUE 4’03 ET DÈS MAINTENANT

Je vais continuer à faire des compétitions cette saison. Mon conjoint va me tirer jeudi sur un 3000, pour que je batte mon record. Ce sera en Allemagne. Je suis en forme et je veux en profiter. Pourtant je n’ai qu’une envie, c’est de refaire un 1500 m, car je sais que je peux faire mieux, faire 4’02. A Monaco, on avait un dossard avec puce, qui donne tous les temps 100 m par 100 m. On a des stats hyper précises. Je termine “trop vite” la course pour que ce soit un 1500 parfaitement équilibré. Je fais 1’19 sur mon dernier 500 m, soit des bases de 3’57 ! Dans l’équilibre, au train je peux partir un peu plus vite et quand même tenir. Pas pour 4’00, mais 4’02. Gagner quelques dixièmes à ce niveau, ce sera énorme. Mais il n’y a pas de 1500 m, c’est comme cela.

Mon copain va m’emmener sur 9 minutes au 3000, je ne veux pas être trop gourmande, car je n’ai pas préparé le 3000 m cet été. Dans l’idéal moins de 9 minutes ce serait super, mais je n’oublie pas que mon record est à 9’25. On verra bien. Dimanche, je m’invente sprinteuse, mais je ferais un 200 m et un 400 m. J’ai envie de battre mes records dans des plus petites compétitions. Et me faire plaisir, pour acter un niveau global sur toutes les distances, faire de l’athlé comme j’en ai toujours fait, pour battre mes records et me faire plaisir.

AURORE FLEURY

Avec Etienne GOURSAUD

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